samedi 5 août 2017

Enfance (Brigitte)


Sommaire

  1. Le cabinet de colère p 5
  2. La pâte à modeler p 6
  3. Les gros mots p 8
  4. La chasse d’eau p 10
  5. Les amydales, les végétations p 11
  6. Les grands-pères p 11
  7. L’artichaut p 14
  8. Le grand ménage p 15
  9. Les petits fiancés p 17
  10. Le concours p 19
  11. Les moules ou l’indigestion p 20
  12. Les oursons gélifiés p 21
  13. Le chagrin p 23
  14. La part de l’ombre p 23
  15. La religion p 25
  16. L’écriture p 27
  17. Le théâtre p 28
  18. La piscine, la guêpe et la cabine p 29
  19. Scy-Chazelles p 31
  20. Les fraises p 33
  21. Le bras cassé p 35
  22. La leçon p 37
  23. La punition p 39
  24. Les porte-clés et l’armoir à linge p 41
  25. Le carnet de notes p 43
  26. Les compagnons  « 4 pattes » p 44
  27. Le budget p 46
  28. Le beignet p 47
  29. Vacances à la campagne et la petite chaise p 48
  30. Robert Schuman p 55


















Brigitte SCARBONCHI










mars 2017
ENFANCE souvenirs


A mes parents qui m’ont donné la vie,  leur amour, le tout assorti d’une bonne éducation .


A Maman qui a maintenu le cap lorsque la tempête faisait rage.


A ma tante Nanou et à mon oncle Jacques  qui ont su nous faire rire dans des moments difficiles, (mais il s’agit là d’autres histoires, à lire prochainement dans « Adolescence »)


A ma sœur qui m’a accompagnée tout au long de mon enfance avec autant de malice que de  sérieux.


A mes grands-parents et à tous ceux qui m’ont aidée à grandir et à aimer la vie.

A Marla créatrice de la couverture
A Hubert qui m’a guidée dans les travaux de mise en page
A mes chers enfants qui, je l’espère ont engrangé autant de bons souvenirs, racines de résilience .
A Guy  là où il demeure dans notre coeur et partout ailleurs








Le cabinet de colère- 2 ans


J’avais 3 ans, c’était la 1ère année de Maternelle, m’y rendre ne m’enchantait guère.
Je n’aimais pas l’école, quelque soit les mérites dont les grandes personnes la paraient, moi, je ne l’appréciais  pas beaucoup.
J’avais la nostalgie du temps passé à  jouer aux pieds de Maman qui cousait sur sa machine SINGER ; il y avait le doux murmure du moteur, et cette aiguille amusante qui courait et sautillait sur le tissus, que ma mère déplaçait habilement.
Une après-midi, alors que j’étais de retour  dans mon foyer rassurant, je constatais qu’il s’y trouvait de nouvelles personnes : une amie de ma mère et, sa petite fille Patricia….une chanceuse qui n’allait pas à l’école !
En m’approchant, je m’aperçus  que bon nombre de mes jouets avaient été apportés dans le salon pour que l’enfant invitée puisse s’occuper.
Tout cela sans que l’on m’ait demandé mon avis, comment avait-on osé déplacer mes jouets si soigneusement rangés selon mon ordre, dans ma petite chambre !
Profitant du fait que j’étais à l’école, une étrangère s’était servie de mes biens  !
La colère m’enveloppa telle une évidence, je ne pouvais accepter cela, je me mis à hurler mon indignation.
Ma mère avait tenté de m’expliquer : le prêt, le partage, des valeurs que ma toute puissance d’enfant ne reconnaissait pas...aussi devant mon comportement jugé inacceptable, elle m’emmena dans le cabinet de toilettes et m’y enferma.
Dans l’obscurité des wc, ma rage décuplait,  je hurlais, je pleurais, mes poings martelaient la porte fermée à clé, il me semblait que le monde s’écroulait ...épuisée je finissais par me calmer, de petits sanglots me faisaient hoqueter encore, lorsque Maman vint me délivrer de ce cabinet de colère.
Je pouvais alors entendre les explications, les valeurs exposées…


Il n’empêche qu’il me fallut bien des années pour apprécier la compagnie de la fillette, Patricia, en qui je voyais toujours l’« Usurpatrice » ! 


La pâte à modeler- 3ans


J’étais à l’école maternelle, et, travailler la pâte à modeler était de loin l’une de mes activités préférées.
L’outil se présentait en bâtons colorés à l’odeur de cire, assez durs à manipuler (rien à voir avec l’actuelle « Play daugh » qui embaume l’amande et se laisse tendrement sculpter) ; néanmoins je me délectais à la vue des nombreux coloris et, je me complaisais à donner vie à ces pâtons au grès de mon imagination.


De retour à la maison, j’évoquais avec ma sœur cette chance que ma classe soit si bien dotée, tout en regrettant que notre chambre d’enfants ne le soit pas autant.
Ma sœur, Élisabeth, de 3 ans mon aînée en conçut une idée machiavélique.
Il suffisait, s’écriait-elle, de la voler, en glissant subrepticement quelques bâtonnets dans mes poches !
Je m’offusquais à la pensée d’un tel péché, tout en imaginant le plaisir de poursuivre mon activité de sculptrice en herbe, chez nous, confortablement installée, sans cette myriade d’enfants bourdonnants.
Mais il y avait un obstacle, au-delà de ma mauvaise conscience :
– Ce n’est pas possible, m’écriais-je, les institutrices fouillent les poches de nos vêtements à la sortie de l’école !-
Élisabeth m’emmena alors dans notre chambre commune afin de m’expliquer son plan.
Je n’avais qu’à placer la pâte à modeler dans ma culotte.Devant ma perplexité, elle me montra comment procéder , utilisant notre téléphone en plastique, elle me fit une démonstration : même avec un jouet volumineux, il était tout à fait concevable de dissimuler ce dernier dans ma culotte, la robe étant assez ample pour masquer le forfait.
Elle entreprit de me faire répéter afin que je sois parfaitement à l’aise avec ce projet qui m’amènerait, me rassurait-elle, à profiter de cette si belle pâte à modeler !
J’étais convaincue, et le lendemain j’entrepris de m’exécuter.
Le plan fonctionna à merveille, et, toute contente, j'accourais vers mon aînée pour lui faire part de ma réussite.
Nous rentrions ensemble à pieds de l’école avec d’autres enfants qui habitaient le même quartier que le nôtre.
Devant mon excitation et ma fierté, ma sœur s’écria que j’étais une voleuse, qu’elle allait le dire à notre mère et que je serai sévèrement punie.
J’eus beau lui rappeler son plan de la veille, elle était devenue amnésique !
Maman l’entendit m’accuser, et là encore, malgré mes tentatives à la persuader qu’Elisabeth était l’auteur « intellectuel » de cette action, elle ne me crut pas.
Face à mes pleurs , ma mère se décida pour une sanction modérée :  je rapporterai la pâte à modeler l’après-midi même à l’école, et, je devrai m’excuser.
C’est avec un sentiment de trahison, humiliée, que j’accomplis ma punition, heureusement ma mère m’accompagnait.
J’en voulais terriblement à ma sœur, essayant de l’amener à dévoiler la vérité, rien n’y faisait, ni la promesse de lui céder mes friandises, ni celle de lui donner mes pièces de monnaie épargnées, elle continuait à nier…
Les années passèrent, lorsque nous étions adolescentes, l’histoire fût évoquée et, une fois de plus je tentais de lui faire avouer son forfait, après tout , nous étions grandes à présent, elle ne risquait plus rien...et bien non, la demoiselle continua à affirmer que j’avais tout inventé, qu’elle n’était pour rien dans cette histoire de vol !
Est-ce cela qui m’amena à étudier les lois, dans l’idée de combattre  l’injustice,  défendre les plus faibles ?
C’est bien après mon master en droit, lorsque nous étions devenues adultes et “Maman” à notre tour, que ma sœur reconnut enfin le rôle qu’elle avait joué dans cet épisode de notre enfance «  le vol de la pâte à modeler ».


Je me suis alors sentie « réhabilitée », mais il avait fallu attendre bien des années !




Les gros mots- 4 ans

Après le déjeuner, ma mère lavait la vaisselle, et, ma sœur l’essuyait.


Jugée trop jeune pour accomplir cette tâche, je m’asseyais sur le rebord du buffet, pouvant ainsi  les observer à loisir.
Il me semblait que ma sœur ne prenait guère plaisir à effectuer ce travail, la provoquer me paraissait tout à fait approprié.
Tout en balançant mes jambes, je chantais « un croco, un croco, un crocodile... s’en allait à la guerre , traînant ses pieds, ses pieds, ds la poussière», une de mes comptines favorites en ce qu’elle mettait en scène l’un de mes animaux fétiches.


Elisabeth me criait de me taire, je redoublais d’énergie et chantais à tue tête, contente de la voir se fâcher…(ah la face obscure de l’être humain!)
Priant ma mère d’intervenir, ma sœur finit par avoir gain de cause, je pouvais chanter mais, pas trop fort !


Alors il me vint une idée , celle d’énoncer ces drôles de mots, que j’avais appris  pendant le temps de la récréation, dans la cour de l’école, le matin même.
Et me voici fredonnant :- salope, pêtasse, menteuse, traînée-  le tout à l’attention de ma mère , afin de voir ce que serait sa  réaction...celle-ci ne se fit guère attendre.
Maman s’arrêta immédiatement et me demanda où j’avais appris de telles horreurs!
Lorsque je lui expliquais que c’était à l’école, elle eut un temps d’arrêt avant de comprendre que j’avais mémorisé ce vocabulaire sans en deviner le sens.
Ma sœur exhortait ma mère à me punir sévèrement, Maman m’expliqua que ces mots n’étaient pas du tout convenables, et qu’il ne fallait pas les prononcer , il s’agissait me dit-elle de « gros mots », et, une personne bien élevée ne devait pas dire de « gros mots ».


Encore aujourd’hui, bien qu’adulte, je ne parviens pas à les utiliser, teintés d’ « interdit » à jamais !
Les écrire même me demande quelque effort !


Du pouvoir de l’éducation !












La chasse  d'eau-  4 ans


C’était  un système de chaîne,  trop  haute  pour  qu'un enfant  de  ma taille  puisse  l’attraper, aussi c’est ma soeur aînée, Elisabeth, qui avait la responsabilité de m’aider .
Je l’appelais , elle accourait, et attrapait la chaîne qu’il fallait tirer pour déclencher le jaillissement de l’eau.
Un jour, je voulus lui faire une farce, l’enfermer dans les toilettes pendant qu’elle accomplissait cette tâche, me paraissait amusant.
Je fermais vivement la porte, lorsque je sentis une résistance, en même temps un cri de douleur résonnait à mes oreilles.
Ma soeur avait posé ses doigts dans la chambranle de la porte afin de se stabiliser , et l’un d’eux  écrasé par la poussée de la porte, saignait abondamment.
Remplie d’effroi, je réalisais l’horreur de mon geste, Maman avait déjà appelé le médecin tout en essayant de rassurer ma soeur qui sanglotait.
Je ne savais plus quoi faire, comprenant que mon geste blagueur avait eu des conséquences graves, j’étais terrifiée, j’aurais voulu disparaître sous terre…
Lorsque notre médecin de famille arriva, honteuse,  je me cachais, tout en écoutant les échanges verbaux rassurants.
Ma soeur fût bien soignée, son doigt pansé ressemblait à une poupée de chiffon, qu’elle agitait volontiers pour me rappeler mon inconséquence...sans m’en tenir rigueur cependant….
C’est certain , j’avais appris la leçon “sécuriser ses blagues” et surtout.... me méfier des portes, et des personnes qui peuvent glisser malencontreusement leurs doigts dans l’entrebaillement....
Je crois bien avoir raconté cet incident un grand nombre de fois à mes propres enfants afin d’être sûre qu’ils ne commettent pas la même erreur.
Les amydales, les végétations

Dans les années 60, bon nombre d’enfants se faisaient opérer, retrait des amydales, et des végétations, cela évitait, disaient les médecins, la multiplication des otites et des angines.
Pour moi ce fût les végétations, je ne me souviens plus pour quelle raison  j’avais échappé à l’ablation des 1ères!
J’étais un peu inquiète, parents et praticiens m’avaient expliqué: pour m’endormir , je soufflerai dans un ballon, à mon réveil, ma gorge serait à peine douloureuse, mais j’aurai le droit de manger de la crème glacée, autant que je voudrais..et ça, pour la gourmande que j’étais , c’était une aubaine !
Aussi c’est en toute confiance, que  je me soumise, le jour de l’intervention,  aux directives du personnel hospitalier.

Les grands-péres


D’abord, il me faut évoquer Pépé Armand, mon grand-père paternel aux yeux couleur d’acier.


Immigré italien, il était arrivé en France à l’âge de 16 ans pour travailler en tant que maçon.
A 20 ans , il avait , repéré les jambes merveilleuses d’une jeune fille, dans la cour de l’orphelinat qui l’employait à la réfection de murs et autres  travaux.
Ayant revêtu son plus bel habit, il avait demandé à la mère supérieure de l’établissement s’il pouvait l’épouser : il ferait un bon mari, travailleur, ayant appris le français, même si son accent aux « r » roulés tels des galets dans le ressac de l’océan, trahissait ses origines.
La « mère Michelle » patronne du couvent, donna son accord, pourvu que la jeune fille y consentit .
Cette dernière, ma future grand-mère, heureuse de quitter le cadre strict et rigide de l’orphelinat, accepta l’aventure...car c’en était une, partir avec un parfait inconnu…
La nuit de noces s’avéra une catastrophe, Nita (c’était le surnom de ma grand-mère) s’était souvenue des paroles  des religieuses « fuir l’homme comme le feu », et c’est ce qu’elle fit lorsque mon grand-père Armand tenta les premières approches destinées à consommer leur mariage célébré en toute discrétion.
Armand était fort heureusement un jeune homme patient, il ne la brusqua pas, mais s’en confia à la mère Michelle, il souhaitait fonder une famille, avoir des enfants, en cela, la religieuse ne pouvait y voir que du bien !
La supérieure rendit visite à Nita, pour lui expliquer avec force pudeur et emberlificotements, que les enfants n’apparaîtraient pas comme Jésus, qu’il lui fallait accepter les demandes sensuelles et légitimes de son époux...qu’elle avait de la chance que ce dernier ne soit pas violent, car certaines épouses se faisaient battre comme plâtre en se refusant de la sorte !
Mes grands-parents eurent 3 filles...la leçon avait été apprise !
L’’une d’entre elles, la benjamine, Marie-Joséphine allait devenir ma mère,,,


Epoux travailleur, père strict, Armand était devenu un grand-père attendrissant comme si les années avaient pâtiné son caractère, lui permettant de se transformer en toute sorte d’animal au gré des envies de sa petite fille.
Assise sur ses genoux, je le sommais d’imiter, vache, cochon, cocq, chien et chat, sons qu’il maîtrisait à la perfection pour ma plus grande joie d’enfant riant aux éclats face à l’illusion parfaite.
J’éclatais de rire aussi lorsqu’il « sortait puis rentrait ses dents » d’un mouvement prompt de ses lèvres, je lui en faisais la remarque et il rétorquait – hé, tu ne peux pas en faire autant !-
Niant , lorsque je répliquais que -bien sûr il  pouvait s’exercer à une telle gymnastique,  parce qu’il portait un dentier !-


Mon grand-père paternel, Antoine, avait eu 12 enfants, une femme soumise, (en apparence), et un caractère bien affirmé qui  faisait craindre ses colères.
Est-ce ainsi que ma grand-mère avait appris à développer des talents de diplomatie et de manipulation habile ?
Je n’ ai pas beaucoup connu Antoine, aller en Corse, dans le village de Cuttoli-Corticciato au-dessus d’Ajaccio, d’où mon père était originaire, s’avérait un long voyage que notre famille ne pouvait s’offrir chaque été.
Mais, j’ai le souvenir d’un petit homme mince, portant des lunettes aux verres épais qui me félicitait d’aimer , comme lui, manger la soupe de légumes et de haricots que confectionnait ma grand-mère, et cela dès potron minet, au petit-déjeuner !
Je me rappelle aussi l’année de mes 10 ans, nous étions tous, un soir d’été,  les yeux rivés sur le petit écran de la télévision qui diffusait en direct l’arrivée des astraunautes américains sur la lune :
- c’est de la mise en scène !- s’exclamait Antoine
- c’est du cinéma ! Comment pouvez-vous avaler de telles sornettes !- s’insurgeait-il
Les récentes mises en cause de la véracité de cet évènement m’ont rappelé, avec le sourire, la réaction de mon grand-père corse  !



 
L’ artichaut- 5 ans


Lorsque l’on me demandait quel était mon âge, j’affirmais triomphalement ou timidement selon les cas : 5 ans !
Si la personne ajoutait : - qu’est-ce que tu aimerais faire plus tard comme métier ?-
Sans hésiter, je répondais : - cuisinière !-
Parce que j’aimais manger,  en faire un métier me paraissait l’idéal , je pourrais ainsi déguster tout ce qu’il me plairait sans restriction aucune .
Lors d’un dîner, Maman avait préparé des artichauts, chacun aurait un gros artichaut avec la vinaigrette dans laquelle tremper le cœur du légume coupé en petits morceaux s’avérait savoureux... L’éplucher s’apparentait à un jeu, ludique , délicieux, l’artichaut s’en trouvé “couronné “au sens propre comme au sens figuré « élu parmi tous les légumes ”!
Avais-je désobéi, je m’étais certainement montrée suffisamment désagréable pour que ce soir là, ma mère m’annonce la terrible sanction : je n’aurais pas mon artichaut !
La colère sourdait en moi, on ne pouvait pas m’imposer un tel supplice, me priver de mon aliment favori, un crime de lèse majesté pour la petite enfant que j’étais, impatiente, trépidante, je la sommais de n’en rien faire…
Ma mère tenait bon, j’en serai privée, et, je mangerai autre chose…
Alors, il me vint une idée, celle de me plaindre à la voisine qui était aussi son amie, et dont le fils à peine plus âgé que moi, Daniel, m’aimait beaucoup.
Il m’emmènerait alors avec lui, nous partirions tous deux, loin de nos mères frustrantes.
Déterminée, je sortis sur le palier et j’expliquai la triste nouvelle à la mère de Daniel, ce dernier qui possédait une tente indienne, préparerait pour nous deux un baluchon pour que nous fuguions ensemble.
Les Mamans ne s’attendaient pas à un tel stratagème, elles éclatèrent de rire, et la punition fût levée.
Ce soir là, mon artichaut me parut meilleur encore!


Le grand ménage- 5 ans

En 1964, j’avais 5 ans, et les appareils ménagers n’étaient pas nombreux dans notre modeste logis.
Maman était femme au foyer.
Elle avait reçu de sa mère une éducation où l’ordre et la propreté tenaient une place importante.
Aussi  une  fois  par  semaine,  avait  lieu “le grand  ménage “: en général,  le lundi.
La lessive représentait  déjà  une  lourde  tâche,  il fallait  faire  bouillir  le  linge le plus  résistant  dans la lessiveuse,  cela dégageait  une  odeur  particulière  qui m’écoeurait  un peu.
Lorsque nous  n’étions  pas  à  l’école,  en période  de  vacances,  Maman  nous  installait  ma soeur  et moi  à  la table de cuisine,  afin  de  ne pas  la déranger  dans ses  travaux,  elle  disposait  de quoi nous occuper : papier, crayons,  pastels de  couleur.
Maman  avait une  formation  de  couturière.
Elle  pouvait  passer  de  longues  heures  à  nous  confectionner de fort jolies tenues, créative, patiente et douce  dans le  murmure docile de  la machine  à  coudre.
Faire  le ménage,  et  surtout  “le grand” se révélait  moins épanouissant.
Nous l’entendions gronder,  en nettoyant  notre  chambre,  elle  découvrait  mes  créations: restes  de  repas  subtilisés pour  jouer  à  la dînette,   oubliés et moisis…
les  remontrances  accentuées par la  frustration  de  Maman  me contrariaent, déjà  confinée sur  ma chaise, fait  que  l'on n’accepte  mal quand  tout  le  corps  ordonne  de  bouger,  je ne pouvais  guère  dessiner  en paix,  sursautant  aux vocales  maternelles.
Un de ces  lundis  honnis,  la voix  de  Maman  me parvint plus  stridente et accusatrice,  qu’avais-je encore  commis ?
De peur,  j’éclatais en sanglots,  Maman  désolée,  vint  me  rassurer,  ce n’était  pas  l'un  de  mes  faits  qui  la fâchait, mais  une  bêtise  de  notre  chat… ce dernier  avait  cassé  un pot de  fleurs,  répandant de la terre  partout !
Maman, après  que  la maison  soit  propre  et  ordonnée,  ne manquait  jamais  de  s'excuser,  elle regrettait  d’avoir  crié,  essayant  de  chasser  ma moue  désapprobatrice.
Je  finissais  par lui  pardonner  cet  emportement domestique,  tout  en me promettant  que  je  n’agirai  pas  de la  sorte  avec mes  enfants !


Aujourd’hui cependant,  mes 3 enfants Lorine,  Arlan et  Marla  me qualifient souvent  de  “maniaque”, l’atavisme  aurait-il encore  frappé ?






Les petits fiancés -6 ans

Dans notre résidence de la « Côte des roses », il y avait un bois juste derrière l’immeuble que nous habitions.
Y jouer était un pur bonheur.
Dominique et Daniel étaient mes voisins, et compagnons de jeux.
Complémentaires l’un de l’autre.
Dominique était autorisé à jouer à l’orée du bois dès le début d’après-midi.
Nous y construisions  une cabane qui s’avérait être notre maison, il y figurait le Papa, son petit frère était l’enfant, et moi bien entendu j’étais la Maman !
Je confectionnais les repas dans cette maisonnée de fortune, pour cela j’avais subtilisé un peu de « banania » dans la cuisine familiale, cette poudre chocolatée mélangée au sable et à un peu d’eau faisait un porridge que je jugeais délicieux, obligeant Dominique et son petit frère à la goûter.
Devant leur moue rébarbative, je menaçais :
- si c’est ainsi, je ne joue plus au Papa et à la Maman,  vous devez goûter ma cuisine, sinon je m’en vais !
Ils ripostaient faiblement que moi, je n’y touchais guère, mais je ne leur laissais pas le choix, soit, ils en mangeaient, soit je les quittais !
Stupéfaite, je les voyais enfourner un peu de mon ignoble préparation en bouche, grimaçant de dégoût avant de recracher le tout.
- c’est très bien , vous avez goûtez, alors je reste pour  jouer avec vous, comprenez qu’en tant que Maman , il faut m’obéir !-


A  16h, je les abandonnais de toute façon, bien sûr il y avait le goûter, le vrai: pain et chocolat, que préparait ma Maman, mais ensuite c’était au tour de Daniel de partager mon temps de jeu.
La mère de Daniel le contraignait à faire la sieste, aussi il sortait après le goûter, et il emportait avec lui sa tente, maison  autrement plus confortable que la cabane de brindilles partagée avec mon précédent « mari », Dominique.
Lequel essayait bien de me rappeler son obéissance, n’avait-il pas goûté à mon  porridge de sable d’eau et de banania ?
Rien n’y faisait, je lui expliquais devoir me partager, c’était au tour de Daniel de devenir mon compagnon !
Ce dernier très fier et reposé après sa sieste savait qu’il aurait la préférence en m’offrant le luxe suprême de sa tente indienne !


Est-ce  ainsi, qu’une fois adulte, j’ai aimé successivement 4 maris ?






Le concours  - 6 ans


La marque d’insecticide « Neocide » lançait un concours, il s’agissait pour les enfants de mon âge de  créer une scène démontrant l’efficacité du produit.
J’avais  dessiné un éléphant (supposé représenter le produit), terrassant de son poids gigantesque  une souris.
Ma mère m’avait aidée à mettre le tout sous enveloppe affranchie, m’expliquant le fonctionnement du courrier.
Quelques semaines plus tard, un paquet qui m’était destiné nous parvint.


J’étais l’une des heureuses gagnantes, et mon prix s’avéra être un animal gonflable.
Mais quel animal !
Un kangourou de belle taille, presque aussi grand que moi.
D’une belle couleur chocolat et crème, mon kangourou possédait un trésor, caché dans sa poche ventral, il y avait là un bébé kangourou.
Le tout me ravit tant et si bien qu’il en devint mon animal fétiche.
Combien de fois ma mère l’a-t-elle réparé, collant les déchirures du plastique afin qu’il dure encore un peu, prolongeant mon enfance ravie…





Les  moules  ou l’indigestion- 6 ans

J'étais  gourmande, j'aimais particulièrement  les  moules  que  ma mère  préparait  dans  une  grande  poêle, avec un peu d'ail, le goût en était exquis, l’odeur divine !
Un jour,  j'en mangeais  tellement que  je  me  rendis  malade, ce fût là  ma 1ère  indigestion ,  laquelle me laissa  un souvenir  si désagréable  que  je  ne pus  goûter  à  nouveau  ces  coquillages, qu’avec prudence et modération, et  j’avais alors plus de  30 ans…


J’appris ainsi qu’il valait mieux goûter modéremment toute sa vie durant aux mets délicieux, plutôt que de se rendre malade par excès et ne plus pouvoir en profiter !


cf histoire suivante !






Les oursons  gélifiés- 6 ans


Chaque dimanche, avant de nous rendre à la messe de l’église de notre quartier,  Maman nous donnait  quelque pièces
Deux grandes de 2 centimes, de couleur gris pâle,  étaient  destinées à la quête qui ponctuait la fin de  la messe dominicale.
Les pièces de monnaie jaunes de 5 ou 10 centimes, plus petites , représentaient notre récompense hebdomadaire!


Un de ces dimanches, ma grande soeur commit une erreur, laissant tomber négligemment  ses pièces dans le panier de la quête, elle s’aperçut vite d’une  méprise, elle avait donné sa précieuse pièce jaune, au lieu de l’argentée….rappelant la personne chargée de passer entre les rangs des fidèles, elle n’hésita pas à fouiller parmi les piécettes pour récupérer sa pièce dorée et déposer l’argentée de moindre valeur, il  fallait  oser non ?


A la boulangerie proche, nous choisissions avec beaucoup de soin  nos bonbons préférés, indifférentes à la file d’attente qui s’allongeait.


Nous rapportions notre butin de confiseries dans notre chambre commune, les oursons gélifiés étaient nos préférés avec leur couleur vive et leur texture à la fois fondante et résistante, un peu caoutchouteuse.....on adorait !


Elisabeth engloutissait les siens à la vitesse de l’éclair, puis s’extasiait que je n’en fis pas autant, dardant un regard d’envie sur mes petits trésors.
J’aimais jouer avec mes oursons avant de les savourer.
Ma soeur qui m’observait, entreprit d’ajouter une scène imprévue dans le théâtre de mon imaginaire :
  • On dirait qu’il s’est accidenté, il aurait perdu sa jambe, ainsi tu pourrais lui construire un petit lit …
Et hop, sans tambour ni trompette, Elisabeth croqua la jambe supposée perdue...Stupéfaite par une telle audace, je criais à l’injustice et commençais à pleurer...alors ma grande soeur me consolait :
  • regarde, je vais t’aider, on va fabriquer un hôpital, il y aurait plusieurs blessés, tu pourras les soigner..
C’est ainsi que mes oursons gélifiés finissaient, peu à peu, dévorés par ma soeur ...si gourmande qu’elle ne manquait pas de développer des trésors d’imagination pour me convaincre de sa bonne action.
  • tu cherches l’ourson vert ? mais enfin, il est mort, parti au paradis, il te reste encore le jaune et le rouge..d’accord il leur manque bras et jambes, amputés, c’est bien pour cela qu’ils sont dans leur lit d’hôpital non?


J’appris par la suite à cacher mes provisions de confiseries, et aujourd’hui encore il m’arrive de dissimuler chocolats ou autres gourmandises que je souhaite déguster sans précipitation.
Le chagrin - 7 ans

Cela n’arrivait pas souvent, ce soir là, mon père et ma mère se querellaient, l’automobile familiale avait été vendue un peu précipitamment par mon père, et, ma mère lui adressait de véhéments reproches.
De ma chambrette, j’écoutais attentivement les échanges verbaux, comprenant que ma mère était triste à l’idée que nous ne pourrions plus faire de belles balades dominicales dans la voiture familiale.
Soudain, alors que le différend avait cessé, j’entendis des sanglots, je regardai discrètement en direction de la plainte, et, oh stupeur, mon père pleurait bruyamment !
Comment cela était-il possible ?
Mon père, avec son autorité, sa prestance, pouvait pleurer comme un enfant !
Je dardais mon regard pour vérifier qu’il s’agissait bien de lui...pas de doute ! Les hommes pleuraint aussi !
Toute à ma stupeur, je remis en cause l’éducation reçue selon laquelle « seules les fillettes larmoyaient »…


Mon sens critique commença à s’aiguiser  à cet instant précis !

La part de l’ombre- 7 ans

Dans la résidence où nous vivions, proche de Thionville,  nommée « la côte des roses » les Mamans se retrouvaient à l’entrée de leur immeuble, et, s’installaient sur des chaises pliantes, pour tricoter et échanger entre elles.
Bien sûr leurs jeunes enfants étaient présents, et, demeurer dans le cercle géographique restreint  de cette petite communauté, finissaient par les lasser.


Je proposais à l’une de ces Mamans de promener ses 2 fils, lui promettant de ne guère m’éloigner : je ferai le tour de la résidence, et ses enfants pourraient profiter du bac à sable qui se trouvait derrière l’immeuble.
Les petits poussaient des cris de joie à cette perspective, et, leur Maman accepta.
Toute gentille, je les rassurais lorsqu’un peu inquiets ils s’aperçurent que nous quittions  l’endroit familier, puis très vite , la vue du petit parc à jeux les enchanta, leur faisant oublier leur craintes.
Jugeant que leur temps de bac à sable avait assez duré, je leur intimais de revenir vers moi.
Concentrés sur les édifices de châteaux qu’ils s’appliquaient à achever, seul l’aîné comprit qu’il fallait  quitter ce petit paradis de jeux, il s’apprêtait à l’expliquer au cadet, lorsque je lui fis signe de n’en rien faire...Tout penaud, abandonnant contre son gré son petit frère pour m’obéir, il commença à pleurer.
Je maintins ma décision de laisser là le petit frère, tout en le surveillant de loin, jusqu’à ce que ce dernier s’apercevant qu’il était seul, sanglote à son tour.
Alors je me dirigeais vers lui, lui reprochant de ne pas avoir répondu à mon ordre de rentrer, je le grondais avec un malin plaisir.
Je les avais placés dans une situation de désobéissance, dans le seul but  de les réprimander et de les punir.
Je réalisais qu’il y avait du mal aussi dans l’être humain que j’étais !


Les larmes étaient séchées lorsque je rendais mes 2 petites victimes à leur mère, et , oh stupeur , lorsque celle-ci leur demanda s’ils étaient prêts à repartir avec moi le lendemain , les 2 enfants s’écrièrent avec joie, « oui oui, demain , on recommence » !
Honteuse et perplexe , je m’interrogeais sur ces notions de bien et de mal, de victimes et de bourreaux.
Cet épisode m’a fait comprendre à quel point la nature humaine est complexe.
L’homme est un arlequin,  il est responsable, il peut faire dominer le bien ou, le mal, mêlant souvent les 2.


J’en garde encore aujourd’hui un léger malaise, ainsi l’espace d’un court instant , j’étais devenue une « méchante », sans raison autre que ce plaisir à mal agir, quitte à en éprouver du remords très longtemps !


La religion- 8 ans


Au mois de mai, nous confectionnions de ravissantes couronnes de fleurs, nous nous promenions en processions animées par un ecclésiastique, sur les chemins de la forêt environnante, toute proche de notre résidence.
Les odeurs de printemps, la beauté de la nature qui s’éveille, les chants, tout cela s’accordait  au « sacré », au « divin », qui me transportaient, me donnant “l’envie de grandes choses”.


Avec tous mes sens en éveil, je m’imprégnais  de ces images belles et paisibles, des sonorités harmonieuses, de la sensation merveilleuse d’appartenir à une communauté où le bien triomphait, où l’homme était capable de juguler sa part d’ombre pour faire régner harmonie, solidarité et bonté.
Ce furent des instants mystiques, qui me plaisaient bien davantage que le catéchisme enseigné.
En effet lors de ces cours, je m’ennuyais , ne comprenant rien à l’ histoire de Jésus, peut-être trop timide pour demander des explications.


J’avais eu pour devoir de maison : dessiner la crucifixion.
C’est avec la nausée que j’essayais de reproduire le visuel sordide de tant de cruauté, il fallait représenter, les clous figés dans les mains de Jésus, le sang qui en coulait, tous ces détails me levaient le cœur, et cette couronne de barbelés meurtrissant  le crâne m’horrifiait.
Lorsque je regarde statues ou peintures représentatives de ces scènes violentes , encore aujourd’hui, je ne parviens  pas à m’y habituer et, je m’interroge sur ce que pourrait ressentir toute personne étrangère à la religion catholique….


Je fis ma première communion, sans grande conviction, mon père refusait de rentrer à l’église, fâché avec le curé de notre paroisse, cela m’embêtait parce que ma grand-mère en était peinée.
Lorsque j’eus l’âge du rituel de communion solennelle, ma mère me laissa le choix, tout en me rassurant – même si tu refuses cette cérémonie, tu seras gâtée aussi, comme le fut ta sœur-
Avait-elle senti que ma seule résistance était de ne point recevoir les cadeaux qui accompagnaient ce rituel ?
Je décidais que je ne ferai pas ma communion solennelle.


Pour être en paix avec ma conscience et l’éducation religieuse reçue, je me suis rendue une dernière fois « à confess », puis, au sein de notre petite église j’ai déclaré à Dieu , que je croyais en lui de façon universelle, lui, confondu avec la merveilleuse Nature, l’Univers ...sans le savoir j’étais devenue “panthéiste”, gardant la foi, sans m’attacher à une religion définie !






L'écriture- 8 ans

Nous avions quitté “la Côte  des  roses” où  la forêt,  écrin  de verdure de  notre logis, allait  manquer  à  mes  jeux  de  plein air.
Installés  à Thionville ,  notre  nouvel immeuble bordait  l’avenue de Guise, la route était  dangereuse,  heureusement  une  vaste  cour  à l'arrière  permettait aux enfants de libérer leur belle énergie .
J’intégrais en cours d’année ma nouvelle école.
L’institutrice ne disposait plus des recueils de poésie distribués en  septembre à ses élèves, je ne pouvais suivre sans ce précieux manuel sur lequel travaillaient  les élèves.
Elle m’en prêta un, le sien, m’annonçant qu’il me fallait le recopier au plus vite, pour le lui rendre le lendemain, le tout dit sur un ton péremptoire qui ne laissait place à aucune protestation de la part de la fillette timide que j’étais.
Je rentrais à la maison, effondrée, comment pourrais-je recopier tous ces poèmes, (il y en avait une douzaine), en une seule soirée !
Découragée, je me mis à pleurer, c’est alors que ma mère accomplit un miracle, à mes yeux d’enfant.
Maman, habile couturière, l’était  moins au maniement des mots, pourtant elle passa toute la soirée à copier soigneusement les poèmes afin que je puisse rendre le livret le lendemain…
J’étais médusée, de plus, devant mes craintes de ne pas parvenir à déchiffrer son écriture, elle s’appliquait, vérifiant que je puisse lire sans effort….son écriture, ses enjambées de mots n’étaient pas seulement lisibles, elles étaient belles !
Ma mère, ma sauveuse, devenue “reine”, me libérait d’une tâche qui m’avait semblée impossible .


Très fière , le lendemain, je rendais le  recueil et, je présentais la copie des poèmes à mon enseignante qui voulut s’assurer qu’aucun ne manquait.
Depuis ce jour Maman acquit à mes yeux une puissance nouvelle, « magicienne », elle m’avait délivrée de l’angoisse, en réalisant une tâche impossible !


Le théâtre-8 ans


Il y avait  une  représentation  au théâtre  de  la  ville  pour  les  enfants  scolarisés.
Les institutrices  comptaient  leurs  élèves  avant  la montée  dans  l’autobus afin de s’assurer qu’aucun n’était manquant.
Après le spectacle,  nous  devions  retourner  en autocar  à  l’école, en groupes,  comme  à  l’aller .
Étais-je  rêveuse, lente,  distraite ?
A  un moment  donné,  je n’étais  plus  dans  mon groupe,  isolée,  je cherchais, balayant la vaste place du regard, questionnant plusieurs chauffeurs qui attendaient près de leur véhicule, hélas, je ne retrouvais guère  le bus.
Comment  rentrer?
J’habitais  à  20 mn à  pieds  du théâtre,  mais  je ne connaissais  pas  le chemin?.
A 8 ans,  mes  déplacements  en dehors  du périmètre  de notre immeuble s'effectuaient,  accompagnée par ma grande soeur Elisabeth.
Je tenais  sa main  et je me laissais  guider, toute en confiance,  pouvant  rêver  à  loisir,  discuter,  sans me préoccuper  de l’itinéraire… alors  rentrer  seule,  il n’en  était  pas  question !


Mon père  exerçait  la profession  d’Officier de Police Judiciaire, et, pour  moi,  la Police,  c'était  comme ma grande  soeur,  une référence de grande  confiance (et ce malgré  l’histoire  de  la pâte  à  modeler) !
Reconnaissant  dans le parking,  un véhicule de la police,  sans  hésiter  je me dirigeais  vers  les  agents  dont  l’uniforme  me  sécurisait.
J'expliquais: le groupe parti  sans  m’attendre,  demandant aux policiers s’ils pouvaient  m’accompagner  jusqu'à  mon domicile 16 av de Guise.
Un agent  m’installa  dans  le van,  et je fus  conduite  ainsi  jusqu'à  chez  moi.
Ma mère  qui m’attendait  fût  extrêmement  surprise et quelque peu inquiète de me voir  arriver  ainsi  escortée.
L'institutrice  avait-elle  commis  quelque  erreur  dans  le comptage de ses  élèves ?
Le fait est qu’elle ne s’aperçut  pas que je manquais  au regroupement. !
Ou bien  étais-je si discrète,  presque  transparente, élève si sage que,  durant  les  conseils  de classe ,  on finissait  par  me laisser accéder  à l’échelon  supérieur, malgré  mon piètre  classement,  souvent  35ème  sur 42 élèves,  parce-que,  disait  mon enseignante :
- elle  est  très  forte  en calcul,  et puis  c'est  une  élève  tellement sage !-


La piscine, la guêpe et  la cabine  

Les grandes vacances entamées  fin juin se prolongeaient jusqu'à mi septembre, 2 mois ½ sans école  faisait de l’été ma saison préférée.
Nous restions souvent chez nous, partir était un luxe qui s’offrait à nous 1 an sur 3, dans le meilleur des cas.
La piscine  devenait alors  l’endroit de villégiature préféré .
Maman m’installait  sur le porte  bagage  de  son vélomoteur, dans  un siège,  petit  fauteuil de fer,   ma soeur était  assise  sur  le guidon,  et ma mère roulait prudemment jusqu'à ce lieu de plaisirs estivaux, d'éclaboussures d’eau et de rires.
Une après-midi où la chaleur nous accablait, je courais  sur  la pelouse pour atteindre le bassin rafraîchissant lorsqu’une  une  vive  douleur  m'arrêta net,  je regardai mon pied, une guêpe  y était collée,  morte  d'avoir plantée sur  ma peau  tendre  son dard.
J’avais mal, et, de voir ainsi l’insecte figé m’ennuyait aussi.
A cloche pied , je regagnais  notre emplacement, les adultes me soignèrent, le dard retiré laissait paraitre une grosse boursouflure qui allait me démanger plusieurs jours.
En  regardant le petit cadavre de l’insecte écrasé  j’en conçus un sentiment mêlé de rancune et de pitié .
Ainsi pouvait-on mourir d’avoir voulu se défendre !


Après la journée de jeux, de bains, de pique-nique, de sieste , de lecture et de bains de soleil, il fallait rentrer et, la cabine était un passage obligé, mais oh  combien désiré pour moi.
Cette minuscule pièce où  nous  nous  changions,  devenait  mon logis,  ma  maison lilliputienne,  à  moi  seule.


J'imaginais que le banc  était  ma chambre, sorte de  mezzanine, et quelle joie,  je n’aurais plus à partager mon espace avec ma soeur…


Nos goûts étaient tellement différents!


Chaque moitié de notre chambre commune reflétait la personnalité de son occupante :


Mon lit tiré au cordeau, contrastait avec celui de ma soeur “fait à la va vite”.
Mes jouets, mes vêtements , mes livres, tout était à sa place, côté soeurette c’était le binz !
Je franchissais dédaigneusement la 1ère partie de la chambre qu’elle occupait.
Elle se moquait de moi, de mes manies de tout ranger, et la guerre était souvent déclarée, suivie de pactes de paix qui ne duraient guère...
Nous nous disputions beaucoup, épuisant nos parents las de jouer aux “casques bleus”.


Je rêvais d’une chambre bien à moi, et la cabine de la piscine devenait, le temps de se changer, (que je prolongeais volontiers), mon aire de liberté!




Scy-Chazelles


C’était le nom du village où mes grands-parents maternels habitaient, à 35 km de chez nous, non loin de la ville de Metz, dans l’est de la France.


Un dimanche sur deux, mon père y conduisait sa famille, nous arrivions juste pour le déjeuner dominical que Mamy confectionnait avec grand soin : entrées de crudités et de charcuteries, viande rôtie et légumes frais, pain fromages salade, fruits au sirop et biscuits, le tout “fait maison”, on se régalait.
Ensuite, il y avait la promenade, quelque soit la saison, on rechignait mais on y coupait pas, 2 à 3 h de marche  pour gravir  le “mont Saint Quentin”, colline d’où l’on pouvait admirer les vignobles, en  passant par les calvaires (ces croix où le Christ figurait  me donnaient la chair de poule, cruauté statufiée , banalisée dans le paysage de la chrétienté).
Au retour, après l’effort s’offrait la récompense, un bon goûter  nous attendait, Mamy me faisait choisir une de ses confitures dans la pièce non chauffée qui faisait office de “garde manger”.
J’aimais particulièrement “fraises-rhubarbe” , sur la brioche encore tiède que ma grand-mère avait faite, comme c’était bon!


La maison de village faisait un angle entre une place et une petite rue, au rez de chaussé, une dame âgée l’occupait, mes grands-parents louaient la cour et l’étage.







Mamy élevait des lapins dans la cour, j’aimais caresser leur fourrure si douce, sans éprouver de remords lorsqu’elle cuisinait son “lapin à la sauce brune” que je mangeais avec plaisir !
Un jour, j’avais assisté au “préalable de la recette”, il fallait choisir un lapin, pas trop jeune, leur laisser un temps de vie était juste...Mamy saisissait le sacrifié rapidement par les oreilles pour lui asséner, hors du clapier, le coup de grâce: geste sec et précis sur la nuque de l’animal ...puis elle suspendait Monsieur Lapin pour le déshabiller de sa fourrure, ce process  ne me plaisait guère, Mamy expliquait : les terminaisons nerveuses qui  provoquaient ces soubresauts, que , oui , il était bien mort et qu’il n’avait pas souffert, que c’était la vie, de mourir aussi !


Une véritable “Leçon de choses” ainsi qu’on appelait alors les “sciences naturelles” rebaptisées ensuite : “biologie” !





Les fraises

Ma grand-mère cultivait 2 jardins, l’un  “le jardin de la tour” était au sommet d’une colline, c’est là que j’ai goûté mes premières pommes de terre cuites en robe des champs sur un feu de plein air qu’elle avait confectionné pour me faire découvrir ce délice.
Mon préféré cependant , c’était le” jardin du curé”,  appelé ainsi parce que ma grand-mère le louait à M le Curé qui en était propriétaire.
Enceint par un mur épais, je m’y sentais  chez moi, à l’entrée des gerbes de glaïeuls  accueillaient les visiteurs , un chemin bordé de pommiers en espaliers nous conduisait vers la cabane , véritable repaire pour nos jeux d’enfants.
Tout près de l’abri se trouvait un puit, nous n’avions pas le droit de nous y pencher pour y apercevoir l’eau lointaine et sombre, les adultes nous avait expliqué le danger, nous restions à distance de ce bel édifice paré de toutes sortes d’histoires dramatiques.
Un verger promettait de succulents desserts.
Je me rappelle les: noyers, noisetiers, pruniers, poiriers, pommiers, et les baies si subtiles, framboises, cassis,  groseilles à maquereaux …
Mais ce qui m’enchantait plus que tout, c’était les fraises, ces petites merveilles sucrées qu’il fallait mériter en s’accroupissant pour les cueillir.
Ma grand-mère proposa de “m’embaucher” l’été de mes 10 ans , mes parents avaient donné leur accord, j’étais ravie.
Nous nous levions tôt, vers 6h.
Il fallait marcher 15 mn dans la fraîcheur matinale pour se rendre au jardin, poussant la remorque alors légère, Mamy y avait entreposé des barquettes de différentes tailles que nous allions garnir, pour les porter ensuite à la coopérative qui les achetait.
De 7h30 à 11h30, la cueillette s’effectuait, avant que la chaleur ne la rende trop pénible.
Le nez au ras des plantations, j’avais appris à couper net la petite tige de ces fruits délicats, je respirais avec bonheur  leur parfum, et de temps en temps, une de ces merveilles échouait dans ma bouche gourmande,  éclaboussant mon palais d’arômes ensoleillés .
Avant midi, Mamy  poussait la remorque , lourde de barquettes bien remplies, jusqu’au centre du village , où ,une dame de  la coopérative pesait les paniers pour en payer le prix à ma grand-mère.
Mais quel prix !
Je vivais à Thionville, je connaissais le prix d’une barquette de fraises, or celui que la coopérative versait à ma grand-mère était ridicule, 10 fois moins élevé !
Comment cela était-il possible?
Nous avions peiné, transpiré pendant plusieurs heures, et Mamy ne récoltait que le 10ème du prix de vente d’un panier de fraises, qui plus est fraîchement cueillies !
Cela me paraissait injuste et inconcevable.
Devant ma révolte, ma grand-mère m’expliqua  le principe des “intermédiaires”, chaque étape, du ramassage jusqu’à la vente finale comportait une valeur ajoutée, ce qui expliquait le prix final.


Ce fût là ma 1ère leçon d’économie .



Le bras cassé

Dans la maison voisine de celle de ma grand-mère, une fillette portait son bras en écharpe, plâtré, elle avait été accidentée et il fallait consolider la fracture pendant 3 semaines.
Nous jouions ensemble, il fallait bien sûr faire attention à elle, ne pas la bousculer...
J’enviais son sort de petite princesse à  protéger.


Nous nous étions fabriquées ma soeur, ma cousine et moi des échasses avec des boîtes de conserve  percées et de la ficelle, je pourrais aisemment, en déambulant sur ces remontoirs improvisés, tomber et me casser quelque chose.... mais mon courage ne rejoignait pas ma volonté ,  j’avais peur !


Stupidement, de retour chez ma grand-mère , je m’essayais  à chuter, me sentant davantage en sécurité,  dans le confort de la maisonnée,  dans l’espoir de me blesser, mais pas trop, et, d’attirer ainsi toutes les attentions…
J’étais douillette, aussi je ne me faisais pas vraiment mal, mais j’allais expliquer à Mamy que je m’étais cognée violemment et que très certainement mon bras était cassé, qu’il faudrait le plâtrer!
Ma grand-mère, après avoir constaté que je répétais la scène, comprit ce qui motivait ces tentatives , en fine psychologue, elle sut ce que je cherchais  vraiment : attentions et soins!
Aussi finit-elle par me dire :
  • est-ce que tu n’essaies pas de ressembler à la petite voisine? Tu sais , une fracture, c’est grave et ça fait suffisamment mal pour ne pas la provoquer.-
 Comme je la suppliais :
  • je vais faire un pansement sur ton doigt, on appelle cela une poupée, et te fabriquer une écharpe pour reposer ton bras, ainsi tu pourras jouer , faire semblant, cela vaut mieux que la douloureuse réalité non?-


Cela me convenait, je solliciterais ainsi l’attention sans souffrir de véritables désagréments !


C’était sans compter avec la perspicacité de mes petits camarades, qui très vite, comprirent la supercherie, et, ne me ménagèrent pas davantage !





La leçon - 8 ans


A la fin des cours, Maman nous préparait notre goûter, pain et chocolat ou « vache qui rit » pour les becs salés.
J’aimais bien alterner, me régalant autant avec l’un  puis avec l’autre, le jour suivant. 
Nos provisions bien en main , nous allions jouer dans la cour de l’immeuble, cela me contrariait, parce qu’il y avait « les devoirs» dont  j’aurais aimé me débarrasser pour profiter pleinement de mon temps de jeu...l’anxiété telle une ombre menaçante planait sur moi, aurais-je assez de temps pour finir ce travail avant le dîner ? Je n’étais pas très bonne élève, à l’inverse de ma sœur plutôt douée, 1ère et rarement seconde de sa classe, je me plaçais quant à moi,  péniblement au rang de 35ème sur 40 !.
Ce jour là il y avait la leçon de géographie à apprendre par coeur «  la plaine est une vaste étendue… »
De retour à la maison, ma sœur et moi  commencions nos devoirs.
Pour mon aînée de 3 ans, l’affaire était vite et bien bouclée, pour moi c’était autre chose !
Je répétais inlassablement mon résumé de géographie sans parvenir à le mémoriser.
Elisabeth, ma sœur se moquait, à chaque fois que mon manque d’attention faisait un blanc dans la récitation,  avec un plaisir provocateur elle enchaînait, parce que, elle, avait déjà retenu la succession de phrases, habile comme elle l’était ! .
Dans ma tête, les mots s’effaçaient au fur et à mesure que je tentais de les y inscrire, laissant place aux désirs de jeu, de lectures divertissantes, de repos, tout, sauf ces maudits devoirs… !
Je grondais mon aînée, l’intimant de se taire, mais elle redoublait de taquineries, m’expliquant que j’étais vraiment lente, elle, connaissait déjà par cœur le résumé«  la plaine est une vaste étendue… »
Me fâcher n’y faisait rien, je finissais alors par sangloter, ces devoirs m’empoisonnaient la vie, je n’aimais guère l’école et la prolonger ainsi à la maison me paraissait un supplice !
Alerté par mes pleurs, mon père, rentré du travail, intervint ce soir là :
- Qui y a-t-il, pourquoi ce chagrin ?
Ma réponse tout en hoquets saccadés de pleurs et de fureur demeura incompréhensible.
Ma sœur lui expliqua alors ma difficulté à mémoriser le résumé de géographie, sans mentionner bien sur, qu’elle ricanait dans mon dos à chaque accroc de ma part.
Alors mon père fit quelque chose d’extraordinaire, en ce sens qu’il m’apprit, ce qui aujourd’hui, me sert encore, me disant :
- tu n’es pas concentrée, ton esprit ne peut pas fixer ces paroles que tu récites sans y penser, et sans les comprendre, trop pressée de te débarrasser de cette tâche.
Je vais t’aider, y mettre du sens et des images, aidera ta mémoire.Tu liras lentement et calmement ce résumé ensuite, puis tu joueras et tu viendras dîner, et, avant de te coucher, tu le liras une dernière fois, bien concentrée, je serai à tes côtés.
Demain matin à ton réveil, tu verras que ta leçon sera apprise-
Faisant confiance en mon père, bien que sa méthode me laissa perplexe, je m’exécutais ainsi qu’il me l’avait enseigné.
Paisiblement , j’ai lu «  la plaine est une vaste étendue… », tout en visualisant les images et le sens des mots, avant de sombrer dans un sommeil réparateur.
La première chose que je voulus vérifier en me levant le matin, fût cet apprentissage, et, quelle ne fût ma surprise , mon soulagement, de constater que la méthode fonctionnait vraiment, j’étais capable de réciter mon résumé, d’expliquer ce que cela signifiait, et de parcourir les vastes étendues de plaines en imagination, un vrai triomphe !








La punition -9 ans

Les vacances étaient très longues en été, et mes parents travaillaient tous les deux après que nous avions déménagé à Thionville, quittant notre résidence de la « Côte des roses » bordée de bois et forêts.
Notre nouvel appartement n’était pas très grand, et pour jouer, la cour de l’immeuble semblait mieux appropriée que la petite chambre partagée avec ma sœur.
Plein de vie et d’allant, notre énergie se dissipait en jeux de « je déclare la guerre », il s’agissait de former deux lignes de soldats face à face, à une douzaine de mètres l’une de l’autre.
L’un des enfants d’une équipe, après avoir scandé le cérémonial « je déclare la guerre » lâchait les mains de ses partenaires pour courir vers la ligne d’en face, s’élançant entre les bras tendus serrés, le but étant de parvenir à ce que la chaîne ainsi constituée cède sous le poids du soldat attaquant.
Le succès permettait alors d’emporter avec soi l’un des soldats pour grossir les effectifs de son équipe.
Un jour d’été, portant une jolie robe  boutonnée , je m’élançais avec une telle détermination, une telle rage de gagner, qu’en face, les soldats prirent peur, et, dénouèrent leurs mains avant même que mon poids ne les y contraignent !
Le résultat fût un vol plané de ma petite personne, genoux brûlés sur le macadam et, pire encore, boutons de ma jolie robe tous arrachés.
Ma mère allait me gronder c’est sûr !
Mais c’est mon père qui prit une décision sévère, après que les voisins se soient plaint des cris de « ces enfants qui hurlaient  des après-midi entières dans la cour », il fût convenu que ma sœur et moi resterions sagement cloîtrées à domicile.
Et, pour être certain que nous serions bien occupées sans cris ni débordement d’énergie, mon père entreprit de nous faire mémoriser l’encyclopédie , dictionnaire illustré, ce qu’il vérifierait, dit-il, chaque soir à son retour du travail.
Jamais punition ne me parût plus cruelle, enfermer des enfants dans un petit « 3 pièces », les contraignant à apprendre par cœur un dictionnaire, au lieu de les laisser s’ébattre à l’air libre, c’était une punition insensée pour un été lumineux où l’école n’avait pas sa place !


Ma mère apitoyée , permit à ma sœur aînée de me laisser sortir 1 h, à condition que je restreigne mes cris d’enfant libre de jouer…
Le 1er soir de ce triste sort, mon père vérifia nos connaissances, pour moi, c’était la lettre « S », et je devais expliquer ce qu’était une « serre ».
Les jours suivants, le contrôle n’eût plus lieu, probablement las après une journée de travail, mon père préférait-il se reposer au salon en lisant le journal, ou bien avait-il perçu la sévérité inappropriée de sa sanction ?
Peu à peu notre retour dans la cour de jeux se prolongeait à notre grand soulagement, en attendant le mois de véritables vacances durant lequel les parents partageraient avec nous la liberté de l’été qui était alors ma saison préférée (du fait de ces 2 mois et demi sans école!)






Les porte-clés, l’armoire à linge


Dans les années 65-70, la mode était à la collection de porte-clés , se multipliant au service des marques, la “copoclephilie” était née avec la généralisation des matières plastiques.
Elisabeth et moi étions des collectionneuses acharnées, se disputant les plus beaux spécimens.


Maman en  avait conçu une idée : en décorer notre armoire à linge.
Elle avait passé un ruban de satin le long du bord de nos étagères et nous pouvions ainsi enfiler nos trésors le long de ces supports.
Compétitivité et fierté s’entremêlaient, les marques rivalisaient d’ingéniosité, j’aimais bien les petits fromages dont les portions pouvaient se retirer, il y avait le bibendum Michelin et le célèbre  Banania, et tant d’autres encore…
Que de négociations ont eu lieu autour de ces petits objets….









Vivant dans l’est de la France, nous portions en hiver, bonnet écharpe et gants, pour nous protéger du froid mordant des mois les plus rudes.
Chacune de nous devait prendre soin de son trousseau, lequel n’était pas renouvelé  facilement.
Maman en habile couturière effectuait les reprises nécessaires pour faire durer le tout.
J’étais ordonnée et disciplinée, ma soeur était l’opposé.
Chaque fin de semaine, Maman vérifiait que nous avions bien rangé notre étagère , sur laquelle devaient figurer le tryptique hivernal.


Un soir, avant le fatidique examen maternel, Elisabeth vint me trouver, l’air embarrassé:
  • il faut que tu m’aides, j’ai perdu un gant et si Maman s’en aperçoit, ce sera le drame, alors voilà , je te demande de me prêter l’un des tiens, et, aussitôt que Maman aura vu mes affaires, je te le redonnerai discrètement, ainsi ni vu ni connu !-
Nos étagères étant l’une à côté de l’autre, je trouvais le projet risqué, ma soeur sut  me convaincre ,  en échange d’un de ses  précieux porte-clé.


Le début de la vérification se passa comme prévu, le trousseau de ma soeur jugé complet, ma mère examina le mien, j’avais discrètement récupéré le gant itinérant, et très rapidement, je le posai à côté de son jumeau.
Maman probablement surprise de ce que ma paire de gants ne soit pas d’ores et déjà rangée, j’étais “hyper ordonnée”, demanda à revoir celle de ma soeur.
J’essayai alors de passer le gant de transit à Elisabeth,  lorsque Maman s’en aperçut, indignée par ce petit stratagème voué à la duper !


J’eus beau expliquer que c’était ma soeur qui avait perdu son gant, que c’était elle qui avait conçu le stratège, Maman s’écria que j’étais “complice”, que je n’avais pas à accepter et que de fait je serai également punie.


Je compris la notion de libre arbitre, tout en me jurant que ma grande soeur ne ferait plus de moi sa complice !



Le carnet de notes


….......que ma grande soeur ne ferait plus de moi sa complice !..c’était sans compter sur les habiles manipulations d’Elisabeth !


A chaque fin de trimestre notre bulletin de notes devait être signé par les parents .
En général, celui de ma soeur était bon , le mien  beaucoup moins !
Avant même la remise du carnet, je somatisais: maux de ventre, migraines, tant et si bien que les parents comprenaient que quelque chose me tracassait.
Ils n’avaient pas besoin de me questionner longtemps pour que je me confie, et que j’avoue les mauvais  résultats, en sanglotant.
De fait, on me consolait, on me rassurait, et, le coeur léger , quelques jours plus tard je rapportais  le carnet à signer sans encourir les remontrances craintes.
Ma soeur, malgré ses bonnes notes, eût un jour des appréciations peu flatteuses laissant supposer gronderies et sanctions.
Nos carnets nous étaient remis le même jour, je m'apprêtais à donner le mien à signer aux parents lorsqu’elle me supplia de n’en rien faire :
  • attends un peu, je veux aller chez mon amie le week-end prochain, les parents vont me punir, et ils m’en empêcheront….il suffirait d’attendre quelques jours et ensuite nous leur apporterons ensemble nos bulletins de notes.  
Me souvenant  des épisodes de manipulations passés,, je refusai net cette fois-ci, les arguments, compensations , récompenses évoquées n’eurent pas de prise sur moi.
Elisabeth tenta un ultime :
  • au moins ne leur dis pas que j’ai reçu le mien , j’inventerai quelque excuse pour le leur remettre plus tard.
Au moment de signer mon carnet, mon père s’étonna que ma soeur n’ait pas le sien…
Je n’étais pas “cafteuse”, je ne dis rien.
Elisabeth fournit des explications qui me mirent mal  à l’aise, je m’esquivais afin de ne pas  devenir sa complice.
Le “mensonge par omission” était-il un pêché ?


Les compagnons” 4 pattes”


Ma mère, ma soeur  et moi aimions beaucoup notre chat appelé “Moumous”, c’était un européen, à dominante blanche avec de belles zébrures argentées.
Il se montrait d’excellente composition avec l’enfant  que j’étais.
Je l’habillais comme un bébé, je l’installais dans mon  landau de poupée, jusqu’à ce que, lassé de mes jeux, il bondisse hors des couvertures et , se débarrasse de la layette dont je l’avais affublé, à grandes secousses et coups de pattes.
Il aimait les bains de soleil, il s’étendait sur le rebord de la fenêtre ouverte, appréciant les rayons solaires qui réchauffaient  son pelage.
Nous habitions au 4è étage d’un immeuble, bien qu’habitué à ce rituel solaire, un jour, notre chat, ébloui, avait perdu le sens des réalités et, s’étant roulé au delà du rebord , enivré de chaleur, avait malheureusement chuté.
C’est une voisine qui l’avait vu se traîner avec difficulté au bas de l’immeuble qui nous avertit.
Notre Moumous, surpris n’était pas retombé sur ses pattes,  les multiples fractures le condamnaient, il fallut l’euthanasier!
Maman et Elisabeth pleuraient à chaudes larmes.
Je me retirais dans ma chambre pour sangloter , pudique , je n’osais pas m’exprimer devant mes proches...hélas, parce que ces derniers en déduirent que je n’aimais pas les animaux, une étiquette venait d’être apposée, la première de nombreuses autres dont je me verrai affublée, à tort ou à raison !
Quelque temps après, mon père qui n'appréciait pas particulièrement les chats, avait  apporté à la maison un chaton pour faire plaisir à son épouse et à ses 2 enfants.
Maman l’avait placé dans une des grosses poches de sa robe de chambre pour nous en faire la surprise au lever.
Hélas le petit chat, sevré trop tôt ne survécut pas.
Bien plus tard, alors que nous avions déménagé en centre ville, à Thionville, mon père annonça à la famille que nous adopterions un “airedale terrier”, jeune chiot de 6 mois.
On s’attendait à un petit chien, lorsque le jeune adopté arriva, quelle surprise!


 C’était un bel animal fougueux, de la taille d’un labrador..Il fût prénommé Astor, les noms des chiens de race cette année là devaient commencer par la lettre A .
Dans notre petit appartement, il décima mes dernières peluches , les déchiquetant soigneusement, effaçant les dernières traces matérielles de mon enfance.
A tour de rôle, il fallait le sortir, le promener dans parcs, jardins et allées… Lorsque c’était mon tour, si un chat se profilait à l’horizon, très vite , pour ne pas être traînée sur le macadam sur  plusieurs mètres,  j’attrapais un poteau proche, barrière ou lampadaire, quelque chose de solide qui me permettait de m'agripper tout en tenant la laisse d’Astor jusqu’à ce que sa rage atavique  calmée, nous puissions reprendre la promenade.
Astor a vécu les déménagements successifs à destination de  Lyon puis de Cannes, la séparation des parents,  il demeura auprès de  Maman, et ce, pendant  17 ans, jusqu’à ce que des “becs de perroquets” le paralysent .. il avait partagé la fin de  mon enfance, notre adolescence, tel un  compagnon complice et têtu, affectueux et aimant.





Le budget


Ma mère  ne travaillait  pas,  elle  était  comme  beaucoup  de femmes  des années  60, “au foyer”.
Elle  utilisait  cependant  sa formation  de  couturière  pour  nous  coudre  de  jolis  vêtements.
Lorsque  des voisines  admiraient  nos  tenues ,  nous  étions  supposées  répondre  - c'est  acheté,  c'est du “prêt à  porter “-
Ma mère  craignait-elle d'être  sollicitée  pour  ses  talents  de  couturière,  ou bien  était-il  plus  chic  de  s’habiller  en prêt à porter ?
Maman  qui gérait  le  budget,  était  attentive  aux dépenses,  je me souviens qu'après  avoir  compté  le nombre  d'articles achetés et l’avoir  comparé à celui  du ticket de caisse,  elle y  notait  scrupuleusement  la nature  de  chaque somme,  à  l'époque  seuls  les  chiffres  apparaissaient sans détail.
...je la voyais  aussi  tenir la bouteille  d’huile renversée, au-dessus  de la poêle, à  la verticale,  jusqu'à  ce  que  la dernière  goutte  s'écoule.
Et, lorsqu'elle  cédait à l’envie d'acheter un article de prêt à porter  ou de   décoration,  nous  devions  dire  à  mon père  que  “c'était  en solde”…
L’indépendance des femmes n’était pas répandue, mais la diplomatie et, la ruse, oui, il faut bien l’avouer, cela leur permettait de mener leur chemin comme elles l’entendaient.
Ainsi, ma grand- mère corse portait-elle les chaussures de son mari avant de trottiner dans les allées du “potager sacré” de mon grand-père, afin de couper les légumes qu’elle destinait à une amie.
La supercherie permettait à ma grand- mère d’aider ses proches, sans encourir les foudres de reproches du patriarche.
Mon grand père s’apercevait bien que ses cultures produisaient moins, mais aucune trace de pas autres que les siennes n’apparaissant ..il ne pouvait accuser quiconque,  lui seul avait accès à son précieux jardin!




Le beignet


Mes  cousines,  Isabelle et Nathalie bien que  rapprochées en âge, étaient  différentes physiquement  et  moralement.
L’aînée Isabelle  était  pétillante,  bêtisiere, vive,  bavarde et gourmande.
La cadette  Nathalie,  plus réservée,  réfléchie paraissait  délicate et fragile.  Teint  mat,  chevelure  brune  et bouclée,  yeux  noirs,  mince,  son physique  contrastait  avec celui  de  sa  soeur  aînée.
Isabelle  avait un teint  de porcelaine  éclairé par des  tâches de  rousseur,  un regard  bleu empli de malice et de  jolies  rondeurs.
J'étais  étonnée  que  2 soeurs  de 5 et 6 ans  puissent  être  à  ce point  différentes.
J'aimais  l'une  et l’autre et j’observais  avec  amusement  leurs  différences frappantes.
Leur  père,  mon oncle  Henri  m’avait  emmenée  visiter  Montmartre avec Isabelle,  nous  avions  grimpé  les  marches  du Sacré  Coeur,  et  pour  récompenser notre  effort,  mon oncle  nous  avait  offert  des  beignets. Délicieux,  je dégustais le mien avec bonheur.
Isabelle qui ne  manquait  pas une  occasion  de bêtise,  après  avoir  mordu  dans  sa pâtisserie,  laissait   couler  la confiture,  s’amusant  des petites  flaques  rouges  groseille  qui éclaboussaient le sol…
J'étais  choquée,  ne m’avait-on pas  répété  qu'il  ne fallait  pas  gâcher  la nourriture !
Pour  ne  pas  rapporter  à  mon oncle  cet  incident,  je grondais  doucement  ma cousine… laquelle  s’écria :
  • Je n’aime  pas  cette  confiture !-
Suffisamment  fort  pour  que  son père  l’entende.
Heureusement  Henri  était  un Papa  ferme  mais  non sévère ,  et pendant  qu'il  expliquait  à  sa fille qu'elle  aurait  pu  choisir  un beignet  nature, ou,   lui  dire  qu'elle  n’aimait  pas  ce fourrage,  qu'il  ne fallait  pas ainsi  souiller  le sol  et gâcher la nourriture.. Je restais  pétrifiée  par cette  image, de tâches  rouges  sang,  et ces  sons  de « ploc ploc »    au sol.




Vacances à la campagne


Passer quelques semaines  chez ma grand-mère maternelle dans le département de la Moselle faisait partie de nos vacances scolaires.


L’hiver, Mamy m’apprenait à confectionner des sablés, les emporte-pièces leur donnaient de jolies formes :  anges, père Noel, étoiles, sapins, pour les fêtes de fin d’année... cloches, poussins, lapins pour célébrer Pâques...
Lorsqu’elle repassait, ma grand-mère disposait de lourds fers sur le poele à bois, elle possédait d’un petit fer plus léger que j’avais le droit d’utiliser pour repasser de simples pièces tels mouchoirs et serviettes de table.
Impatiente, comme peuvent l’être les enfants, elle me répétait avec une sage fermeté  :
- ne dis pas “je sais” ! Apprends, il y a toujours matière à apprendre, sois patiente, regarde et observe, ensuite ce sera à toi de faire !-


Elle avait été élevée dans un orphelinat catholique  au sein duquel les enseignements avaient été dirigés par des soeurs sectaires , de bons principes se mêlaient à de pures idioties.
Ne leur avait-on pas dit qu’ il leur fallait « fuir l’homme comme le feu » , pour les marier ensuite au premier venu !
Pratiquante, Mamy m’emmenait à la messe du dimanche matin, trop tôt à mon goût, mais il y avait quelque fois, au sortir de l’église, la récompense, celle de choisir dans la boulangerie du village, des pâtisseries fines que nous dégusterions en  dessert après le déjeuner dominical.
J’aimais les mille-feuilles avec ses zébrures de chocolat , je ne choisissais plus les grenouilles de pâte d’amande qui avaient été mes favorites un temps lorsque Maman nous emmenait ma soeur et moi au salon de thé de Thionville.
Attirée par leur couleur vive et leur jolie forme, je finissais rarement ces gâteaux trop sucrées à mon goût.


En été, En été, nous étions  souvent  plusieurs  enfants,  ma cousine Michèle,  ma soeur  Elisabeth...  Mamy  s’occupait  volontiers  de 3 de  ses petites  filles  sur  les  7 quelles annonçait  fièrement  à  ses amies
  • Combien  d’enfants et de  petits-enfants  avez-vous ?
  • Oh, moi, j’ai 3 filles et  7 petits-enfants,  toutes des filles - répondait-elle
Il y avait  des  chamailleries  amusantes entre  nous.
Je me souviens  d'une  course  poursuite dans  le village pour  une histoire  de  dessert  entre  ma cousine  Michèle et ma soeur : l’une  tenant  ledit dessert contre  son coeur et s'échappant  ainsi  dans  les  petites  rues,  l'autre  la poursuivant pour  réclamer  sa part.
Il y eût aussi la soirée  aux  chandelles : les enfants  habillés  de leur  tenue  de nuit,  chemise pour les filles,  pyjama  pour  les garçons,  devaient  tenir  allumée  leur  chandelle en faisant le tour du village,  le 1er  arrivé  avec  sa bougie  dont la flamme  vascillante ne s'était  pas éteinte,  était  le gagnant.
Ma cousine la plus âgée surnommée Mounette, avait un fiancé Michel, que j’aimais bien, il me faisait tournoyer dans les airs, me soulevant telle une plume, je n’avais de cesse de lui répéter :
– encore … fais moi voler !-
Docile, aimant les enfants, il s’exécutait pour mon plus grand bonheur.


Il arrivait  que je séjourne chez ma grand-mère, seule,  je m’y sentais alors comme une princesse.
Mamy confectionnait mes mets favoris;  je l’observais accommoder les fraises  du jardin, écrasées avec de la crème, en sorbet, ou,  tout simplement au sucre pour les plus belles.
Ensemble, nous allions remplir les seaux d’eau fraîche, l’eau courante n’était pas installée dans la maison de village , heureusement, non loin, à 300 mètres,  une fontaine permettait de s’approvisionner.
L’abreuvoir se trouvait au même endroit, les vaches, remontant la côte de Moulin s’y désaltéraient, et l’on attendait patiemment à une distance prudente qu’elles aient terminé.
Le samedi soir il y avait le rituel du bain, Mamy chauffait l’eau et remplissait une baignoire en plastique qui trônait ce soir là au milieu de la cuisine (pas d’eau courante , pas de salle de bain dans la maison rustique !).
Seule j’y étais bien , je m’y prélassait avec plaisir...parce que lorsque nous étions plusieurs enfants, ensemble en vacances,  un tirage au sort désignait l’odre de passage, j’eus la malchance un jour d’être la dernière à m'immerger, après  ma soeur et  ma cousine, l’eau  n’était plus claire et, en me séchant, des pelures se formaient, cela me dégoûtait.
Je passais une grande partie de la matinée, enfermée dans ma chambre, à lire, assise bien droite sur une chaise, je dévorais les “clubs des 5”, les “clans des 7” et les “Alice détective” de la bibliothèque rose et verte;  je n’étais plus là, partie loin avec les protagonistes des histoires dévorées plutôt que lues. Devenue “Claude”, cette fillette, garçon manqué aux cheveux courts, qui vivait toutes sortes d’aventures extraordinaires  







Mamy vantait auprès de ses amies les qualités d’une petite fille, si sage, si ordonnée, qui pouvait lire pendant des heures, et dont l’imagination était telle qu’elle jouait longtemps ,seule, sans ennui.


Les après-midi étaient consacrées au jardin, et là, au coeur de la nature, c’était un univers merveilleux où tous les sens étaient sollicités : les massifs fleuris réjouissaient la vue et l’odorat, glaïeuls imposants et fiers, pensées discrète et parfumées...quant aux fruits du verger, je n’attendais pas toujours qu’ils soient mûrs pour les croquer, on me grondait gentillement, mais j’aimais la chair encore dure des pêches de vigne ..caresser la peau veloutée des framboises, détacher les groseilles des grapilles , petites billes de couleur rouge et blanche dont le jus acidulé et sucré taquinait délicieusement le palais, tout comme les tiges de rhubarbe  plus goûteuse que  n’importe quelle confiserie…. écouter les oiseaux dont les chants égayaient l’atmosphère ajoutait la touche finale du bonheur d’être là, faire corps avec la nature , si belle et si généreuse !














La cabane au fond du jardin tout près du puit était un lieu de mystère pour nous les enfants, on y réinventait la vie, seule, je n’aimais pas beaucoup y demeurer, les histoires effrayantes que nous racontions revenaient hanter ma mémoire .


Accrochée à la solide branche d’un imposant pommier, se trouvait :
« la balançoire », pratique lorsque nous étions plusieurs enfants,  malgré les chamailleries pour attendre son tour ;  un pur bonheur, chacune ( nous n’étions que des filles), poussant l’autre de plus en plus haut.
Seule, j’avais appris à plier et  déplier les jambes vigoureusement pour atteindre assez de vitesse et m’élever vers les cieux, moins aisé que d’être poussée, mais au moins avais-je le monopole de ces envolées .



Ces périodes paisibles et parfaites étaient interrompues par les visites de proches parents, j’entendais ma grand-mère annoncer  que ma tante , son mari et leurs 2 filles viendraient pour quelques jours.
Je fronçais les sourcils, il me faudrait partager l’attention de ma grand-mère ,  je ne pourrai plus jouer seule et lire tranquillement.
Mes 2 cousines plus jeunes que moi allaient m’accaparer, cela ne m’enthousiasmait guère , et puis j’avais un peu peur de ma tante Jeanette  !
Un peu anxieuse , je me rassurais, me disant que ce petit monde ne serait que de passage, 3 jours cela passe vite…
Leur arrivée  était une fête,  autour de la table garnie et animée, je songeais que , finalement, cela était plutôt agréable, et, observer mes 2 cousines s’avérait un régal de contrastes étonnants et magnifiques.
J’étais séduite par la brune Nathalie aux cheveux de jaie, sérieuse, tranquille, et, douce comme les petits tricots de mohair  que lui tricotait ma tante et qui lui allaient si bien!
J’étais curieuse et charmée par sa soeur aînée, Isabelle, aux yeux pétillants de clarté malicieuse,  fort intéressée par ses questions pertinentes et ses remarques amusantes.
Je me souviens qu’elles avaient joué toutes deux, une scénette de théâtre (apprise à l’école), qui nous avait ravis, tant de spontanéité, de fraîcheur et de beau jeu d’actrice en herbe... c’était à faire chavirer le coeur, et jallir les larmes de l’émotion !
Finalement, lorsque l’heure de leur départ arrivait, je me sentais triste, regrettant ce passage éclair…
Ainsi,  ma chère tranquillité ne souffrait pas d’être troublée quand cela l’était avec tant de bonheurs….










La petite chaise

Mon grand-père paternel Armand était bricoleur.
Une des chaises de la salle à manger étant bancale, ma grand-mère lui demanda d’en égaliser les pieds.
Muni de sa scie, Armand s’exécuta.
Mais, à chaque tentative, un des pieds du siège , trop court , empêchait la stabilité.
- pas grave, je vais arranger ça- s’exclamait-il
Et  ainsi recommença-t-il l’opération plusieurs fois, jusqu’à ce qu’enfin , la chaise tint , bien stable, sur ses 4 pieds, à égalité.
Il y avait un hic : la chaise ressemblait à un prie-Dieu, à force de scier les pieds, la hauteur avait été tellement réduite, que le siège s’en trouvait transformé, très raccourci , Mamy semblait consternée!
- cela pourra être pour moi- m’enthousiasmais-je, devant ce que j’estimais être un joli meuble d’enfant .
-Oui bien sûr, ce sera parfait pour la petite- répondit mon grand-père avec malice.
Mamy ne pouvait qu’acquiesser devant ma joie, difficile de reprocher la maladresse de mon grand-père qui avait incidemment ravie sa petite fille..
C’est ainsi qu’aujourd’hui encore , 50 ans  plus tard, la petite chaise trône dans ma chambre, porteuse de tendres souvenirs.



Robert Schuman


Nous le connaissions bien parce qu’il était le parain de ma tante, il vivait à Scy-Chazelles dans le même village que celui de ma grand-mère, et fervent chrétien, il entretenait d’excellentes relations avec les organismes de charité, le pensionnat de la “mère Michelle” où ma grandmère avait été élevée en faisait partie.
Il avait été le témoin du mariage de Mamy, et, avait logé mes grands-parents et leurs 3 filles dans l’une de ses 2 maisons, pendant plusieurs années.
A cette époque, il voyageait beaucoup en train (il ne conduisait pas) pour mener à bien le grand projet CECA, aussi la petite famille voisine qui fréquentait son vaste jardin ne le génait guère.
Ce grand homme précurseur et fondateur de l’union européenne, aimait faire des promenades en  solitaire.
Un jour, il avait 77 ans, il ne rentra pas chez lui, sa fidèle gouvernante, Marie- Tsouk, alarmée lança les recherches.
Il fût retrouvé mort , sur un des chemins de campagne qu’il aimait , nous étions en 1963.
Une année s’était écoulée depuis son décès,  lorque ses biens firent l’objet d’une vente aux enchères.
Celle-ci avait lieu dans la cour de sa maison de village, devenue aujourd’hui musée international.
Ma grand-mère m’y emmena, et j’assistais médusée à ce drôle de marché qui consistait à désigner un objet, le montrer au public dont nous faisions partie, proposer un prix de départ, chacun l’augmentant au gré de ses moyens, jusqu’à ce que le finaliste l’emporte  contre le dernier prix non renchéri.
Une véritable leçon d’économie, doublée d’explications de Mamy sur le rôle politique de ce Monsieur important et généreux !
Heureusement mon père n’en sut rien, il m’avait grondée un jour où je déchiffrais les pages de son journal, ce n’était pas là, matière pour une enfant, s’était-il écrié!
Il m’a fallu beaucoup de temps pour m’interesser à nouveau à la presse , à la politique, comme si l’interdiction de mon enfance avait vocation à durer... “un domaine réservé aux adultes” avait annoncé mon père....j’ai mis des années, à me considérer comme telle !





Statues de l'artiste russe Zurab TSERETELI, .


Cet ensemble représente Robert Schuman, Alcide de Gasperi, Konrad Adenauer et Jean Monnet. L’artiste a ainsi souhaité rendre hommage à la démarche des quatre principaux initiateurs de la construction européenne, grâce auxquels notre continent vit dans un contexte de paix depuis plus de 60 ans.






































































1ère et dernière de couverture créées par
Marla AZOULAI

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Alice raconte son enfance